La dérégulation tue le travail

"La dérégulation tue le travail" Claude Didry
"La dérégulation tue le travail" Claude Didry
Claude Didry, sociologue et chercheur au laboratoire IDHES de l’ENS Paris-Saclay publie et présente sur le site The conversation (version française) "L’institution du travail – droit et salariat dans l’histoire".

Date de parution : 21 septembre 2015

Dans son livre qui paraît en janvier 2016, aux éditions La dispute, il nous offre une nouvelle lecture qui sort des sentiers battus sur la crise économique actuelle et la parution des rapports Combrexelle, Terra nova et Montaigne.

Interrogé sur son livre, il répond sur le site "The conversation" :

Le droit du travail est souvent accusé d'être le responsable principal de la montée du chômage. Trop lourd, trop rigide, il serait devenu une entrave à la croissance économique. Qu'en pensez-vous ?


Il y a eu un tournant dans les années 1990, avec la persistance d'un niveau élevé de chômage. Depuis cette époque, le droit du travail est mis régulièrement en accusation par des rapports qui entendent le « simplifier ». Mais, la crise financière de 2008 a mis en évidence, selon moi, le véritable problème, c’est-à-dire le désengagement du capital à l’égard des activités productives pour s’orienter vers des activités financières.

Ce problème n’est pas récent, il est symbolisé par la famille de Wendel qui est passée de la sidérurgie en Lorraine au fonds d’investissement Wendel Investissements sous l’impulsion de l’un de ses membres, également un des fondateurs du MEDEF, E.A. Seillière. On retrouve ce problème plus récemment dans la tentation d’abandonner l’automobile pour diversifier les actifs, du côté de la famille Peugeot.

Cela aboutit à un nomadisme financier qui se traduit par des conséquences négatives sur l’industrie et l’emploi. Les grandes entreprises deviennent des intégrateurs de sous-traitance, avec, au niveau du travailleur, des formes d’évaluation privilégiant le chiffre d’affaires généré à la performance technique. La crise de l’emploi est la conséquence d’une crise plus profonde, celle de l’entreprise dont les finalités se ramènent à la « création de valeur pour l’actionnaire » en abandonnant les grandes avancées technologiques.

« Il faut réformer profondément le Code du travail pour remédier à la crise économique »

C’est une véritable hystérie réformatrice que nous connaissons depuis plus de vingt ans.

Je voudrais cependant distinguer dans mon analyse les rapports de Terra Nova et de l’institut Montaigne d’une part et d’autre part le rapport Combrexelle, fruit de travaux beaucoup plus approfondis portant plus spécifiquement sur la négociation collective et introduisant des éléments substantiels.

Mon propos portera ici exclusivement sur ces deux premiers rapports qui appartiennent à une longue série de rapports et de réformes apportant peu de choses nouvelles. Le rapport Boissonnat a ouvert la voie en 1995, puis est venue la proposition de « Refondation sociale » qui a été l’acte de naissance du MEDEF en 1998. Il ne faut pas oublier l’importante recodification du droit du travail, en 2007-2008 autour de la distinction droit individuel/droit collectif. La complexité vient moins du Code du travail, que de ses réaménagements constants.

Suite article sur le site The conversation